« Cannoli »: telles sont les origines siciliennes de nos délicieux « Lamkhakh » !

Crédit photo: Anis KALAI – © Copyright mangeonsbien.com


Le jour du « Eid el-Fitr », le Tunisien consomme et offre à ses visiteurs des pâtisseries locales de tout genre. Parmi les douceurs traditionnelles, nous citons les « Lamkhakh » (« لمخاخ », en tunisien: une terme qui signifie « os à moelle » en français). Or en réalité, ces pâtisseries artisanales n’ont rien à voir avec le contenu des boites crâniennes. Au contraire, le nom originel de ces tubes de pâtes frits et fourrés de crème pâtissière (ou crème à la ricotta chez les Siciliens-Ndlr) est « Cannoli » (le pluriel de « Cannolo »), une spécialité typique du Sud de la Botte (péninsule italienne). Gros plan !


Le « Cannolo », qui signifie « petit tube », vient du latin canna (« roseau », en français). D’ailleurs, avant les nouvelles lois en matière d’hygiène, la pâte était enroulée sur de petits cylindres taillés dans du bambou (canne), qui donnèrent leur nom à la pâtisserie.

 

« Cannolo siciliano » accompagné de deux carrés de chocolat noir (Source Photo: Wikipedia)

 

Certains historiens de l’art culinaire soutiennent l’hypothèse que ce délice puise ses racines dans la cuisine de la diaspora andalouse, originaire de la Sicile d’où leur présence dans les traditions pâtissières de la ville de Soliman. Mais vraisemblablement, tout porte à croire que nous devons la recette des « Lamkhakh » à la communauté sicilienne, les fameux italo-tunisiens, essentiellement ceux de La Goulette.

Issus en majorité des provinces de Palerme, Trapani et Agrigente, entre 1921 et 1936, le clan des Siciliens a fini par tisser sa toile au point de devenir majoritaire dans le bourg et même à Tunis (voir tableau ci-dessous).

 

Sources : Paul Sebag, Tunis. Histoire d'une ville, éd. L'Harmattan, 1998
Sources : Paul Sebag, Tunis. Histoire d’une ville, éd. L’Harmattan, 1998

 

Si sur tout le territoire de la Régence, les Italiens de Tunisie sont déjà près de 25 mille âmes en 1870, ils sont 89.216 à l’occasion du recensement de 1926, parmi lesquels une partie résidant à La Goulette. D’où la création du quartier de la Petite Sicile (à ne pas confondre avec le quartier homonyme de Tunis).

Le poids socio-écononique a entraîné, dans la foulée, la création d’une chambre de commerce en 1884 ainsi qu’une banque qui portait le nom de « La Banca Siciliana » sans oublier l’impact du quotidien italophone « L’Unione ».

La brassage culturel entre les siciliens et les Tunisiens musulmans a donné naissance à des mariages mixtes écrivant l’une des plus belles histoires de la coexistence sous nos cieux en ancrant une cohabitation d’ordre ethnique et même religieux.

De ce fait les échanges des traditions et le métissage culturel ont fini par donner à Tunis et sa banlieue nord un cachet unique en son genre en laissant des traces indélébiles à travers notamment la cuisine sicilienne: les « Bomboloni » devenus « Bambalounis », les « grissini » rebaptisés « kaki », la « Puttanesca » renommée « Makrouna kadheba » (« مقرونة كاذبة », en dialecte tunisien: la menteuse), la « Caponata » (caponate en français) entre aubergines et artichauts et, certainement, les « Cannoli » reconvertis en « Lamkhakh ».

 

« Leave the gun, take the ‘Cannoli' »

 

Dans la culture populaire, les « Cannoli », dits « Lamkhakh » sous nos cieux, sont assez présents surtout dans les productions hollywodiennes comme en témoigne leur mention dans la trilogie du « The Godfatther » (Le Parrain) de Francis Ford Coppola avec Marlon Brando et Al Pacino.

Les cinéphiles et amateurs de la saga de Don Corleone et fils se rappelleront sans aucun doute de la célèbre réplique de Peter Clemenza, dans le premier opus (sorti le 15 mars 1972-Ndlr), quand ce dernier dit qu’il devait amener à sa femme les « Cannoli » qu’elle a commandés dans une boulangerie.

 

La mythique scène du « Leave the gun, take the ‘Cannoli' » dans le premier volet du film « The Godfather » (Le Parrain) (Source: purple clover)

 

Or, lorsque son acolyte commit un meurtre au cours du trajet, il se contenta de lui dire : « Leave the gun, take the ‘Cannoli’ » (lâche le flingue, prends les « Cannoli », la traduction en français). Il fallait attendre la sortie en 1990 du « The Godfather: Part III » (Le Parrain, 3e partie) pour voir Connie Corleone tuer Don Altobello à l’aide d’un « Cannolo » empoisonné.

 

Connie Corleone en tain d’offrir une boite de ‘Cannoli’ empoisonnés à Don Altobello: une scène mythique du « The Godfather: part III » (Source Photo: The Godfather Wiki)

 

Toujours dans l’univers de la mafia italo-américaine, mais cette fois-ci dans le petit écran, les personnages de la célèbre série « The Sopranos » (Les Soprano, en français) les mentionnèrent à moult reprises. Après tout, l’image des « Connoli » a toujours été associée à celle du mafieux rital.

 

Tony Sporano, le personnage principal de la série « The Sopranos » (Les Soprano), interprété par James Gandolfini, en train de savourer un plat de « Cannoli » (Source Photo: PlayGround)

 

Enfin, dans le dessin animé « Batman : Un long Halloween », Carmine Falcone dit le Romain (parrain de la mafia de Gotham City) invita Bruce Wayne à goûter des « Cannoli » qu’il a fait venir exprès d’Italie, frais, pour les noces de son neveu. Tout est dit, passons à la recette !


La recette des « Lamkhakh »


Catégorie: dessert, pâtisserie

Temps de préparation: 25′

Temps de cuisson: 35′


Ingrédients

Pour 15 personnes

Pour la pâte:

  • 1kg de farine
  • 200 ml de beurre mélangé avec un peu d’huile
  • Eau de fleurs d’oranger pour ramasser la pâte
  • 1 blanc d’oeuf pour souder la pâte
  • 1 bouteille d’huile de friture

Pour la crème pâtissière:

  • 2 jaunes d’oeufs
  • 1/2 L de lait
  • 125 g de sucre
  • 75 g de semoule fine ou de farine
  • 1 sachet de sucre vanillé

Pour le sirop:


Préparation

La pâte

  • Malaxer la farine et le beurre, qui est déjà mélangé avec un peu d’huile.
  • Ramasser la pâte avec de l’eau de fleurs d’oranger.

Conseil: il faut obtenir une pâte lisse et qui ne colle pas.

  • Chauffer l’huile de friture dans une grande poêle.
  • Étaler la pâte au rouleau.

Conseil: la pâte ne doit être ni trop fine, ni épaisse.

Découper des rectangles selon la taille de vos cylindres inox à cannoli.

Bon à savoir: les Siciliens utilisent des tiges de bambous.

  • Enrouler les rectangles autour des tubes.
  • Coller les 2 extrémités avec le blanc d’oeuf.
  • Plonger vos cylindres enroulés de la pâte dans la poêle dès que l’huile devient chaud.
  • Sortir de la poêle dès que la pâte devienne dorée.
  • Laisser refroidir.
  • Retirer la pâte des cylindres.
  • Laisser égoutter sur du papier absorbant.

La crème pâtissière

  • Faire bouillir le lait avec le sucre vanillé.
  • Mélanger, dans un saladier, les oeufs avec le sucre.
  • Incorporer la semoule fine ou la farine progressivement.
  • Ajouter le lait bouillant en le versant doucement sur la préparation.

Conseil: il faut remuer avec un fouet sans arrêt, sinon c’est la catastrophe.

  • Mettre sur le feu pour  faire épaissir en remuant doucement à l’aide d’une spatule.
  • Retirer du feu dès la formation des premières bulles d’ébullition.
  • Laisser refroidir.
  • Remplir vos tubes de pâte avec une poche à douille ou une seringue pâtissière.

Conseil: vous n’êtes pas obligés de remplir tous vos tubes. Si vous avez envie de les servir frais, vous pouvez les conserver très bien, pendant plusieurs semaines au froid. Il suffit tout simplement de les ressortir du réfrigérateur et préparer seulement la crème pâtissière pour les fourrer.

Le sirop

  • Verser l’eau et le sucre dans une casserole et bien mélanger.
  • Porter à ébullition environ 2’.
  • Baisser le feu.
  • Laisser cuire entre 15 et 20’.
  • Remuer de temps en temps.
  • Retirer du feu.
  • Ajouter l’eau de fleur d’oranger.

Conseil: vérifiez avec une cuillère à soupe la texture du sirop. S’il est un peu collant, alors veuillez presser dessus un peu de citron et laissez encore mijoter pendant 5’.

Le 'topping'

  • Saupoudrer avec de fruits secs (pistache ou noisettes) finement broyés ou de noix de coco.

 

 


 

7 Commentaires sur “« Cannoli »: telles sont les origines siciliennes de nos délicieux « Lamkhakh » !

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  6. René Sparacia says:

    Selon moi et autant que je m’en souvienne les cannoli étaient fourrés non pas avec de la crème pâtissière mais avec de la ricotta , sorte de fromage blanc que l’on pouvait mélanger à de la poudre de chocolat. Enfin une tranche de d’orange confite aux deux extrémités . Voilà, régalez vous !!!!

  7. Mohamed Larbi BOUGUIRA says:

    Les « Mkhakh » sont appelés ainsi en référence à la moelle osseuse, comestible et qu’on retire, une fois cuite en soupe, en tapotant l’os sur l’assiette ou avec un couteau fin. Avant l’apparition de l’inox, on utilisait les roseaux ou cannes d’un certain diamètre, pour enrouler la pâte et la frire.

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