Kiosque | La grande histoire des petites bulles de limonade


Depuis quand buvons-nous de la limonade ? Au moins depuis le Moyen Âge, et peut être même avant.


Par Alexandru Zaharia / Historia (extraits), Bucarest

Le citron est à la base de la célèbre limonade. Il est le fruit du citronnier, arbre à feuilles persistantes, qui fait partie de la famille des Rutaceae, originaire d’Asie, du nord-est de l’Inde (Assam), du nord de la Birmanie ou de Chine.

Au fur et à mesure de son expansion sur le globe, le citron connaît plusieurs mutations, aboutissant à plusieurs variétés. Ce fruit amer était aussi bien connu des Romains, bien que nous n’en ayons pas de preuves écrites. Et une étude publiée dans le numéro de février 2018 de la revue Nature détaille la découverte de feuilles fossilisées retrouvées dans la province du Yunnan, en Chine, ce qui prouverait que les ancêtres du citronnier existaient sur place dès la fin du miocène, il y a plus de huit millions d’années.

Un certain Johann Schweppe

C’est au IIe siècle après J.-C. que l’on commence à consommer des citrons, d’abord dans le sud de l’Italie. Arrivé plus tard en Perse, puis en Irak et en Égypte vers l’an 700, le citron (dénommé en français ancien limon, en italien limone et en arabe laymoun ou limoun) se diffuse dans tout le monde arabe. Les citrons font l’objet d’une culture à grande échelle pour la première fois à Gênes, au XVe siècle. Ils débarquent en Amérique vers 1493, quand Christophe Colomb y apporte des pépins de citron.

À Paris, la limonade n’apparaît qu’au XVIIe siècle, plus exactement le 20 août 1630. Confectionnée à base d’eau minérale pétillante, jus de citron et miel, la limonade est vendue par des marchands itinérants, directement à partir de tonneaux qu’ils transportent sur leur dos.

 

limonade
Le Marchand de limonade, toile de Lorenzo Tiepolo (1770). (Photo : Joseph Martin/ akg-images)

 

La limonade est tellement recherchée à Paris qu’en 1676 ceux qui en font le commerce créent la Compagnie des limonadiers. La Grande-Bretagne contribue au succès de la limonade grâce au chimiste Joseph Priestley, inventeur de l’eau gazéifiée artificiellement. Puis Johann Schweppe, un bijoutier suisse allemand, développe une méthode de carbonatation de l’eau à l’aide d’une pompe qui facilite la mise en bouteille et la commercialisation.

 

 

Aux États-Unis, au Canada, en Australie et en Inde, c’est la limonade trouble, à l’ancienne, non pétillante et utilisée aussi comme remède pour le mal de gorge, qui prédomine. Afin de gagner un peu d’argent de poche, les enfants américains créent des stands pour la vente de limonade.

Dans les années 1870, la limonade joue un rôle important aux États-Unis, en tant que solution de remplacement des boissons alcooliques, considérées comme nocives. Lucy Webb Hayes, première dame durant cette période, était une fervente prohibitionniste qui avait essayé d’interdire tout alcool à la Maison-Blanche, au point d’être surnommée “Lemonade Lucy”.

 

limonade
Lucy Ware Hayes, parfois appelée « Lemonade Lucy », née Webb le 28 août 1831 à Chillicothe et morte le 25 juin 1889 à Fremont, est la femme du président américain Rutherford Birchard Hayes et ainsi Première dame des États-Unis de 1877 à 1881. (Photo: Library of Congress)

 

En 1879 apparaît le concept de la “limonade rose”, mentionnée pour la première fois dans le West Virginia Wheeling Register. On ne sait pas exactement quand ni par qui a été inven- tée la limonade rose, mais il existe à son sujet une légende amusante, dont le protagoniste a été un bonimenteur de cirque du nom de Henry E. Allott.

On raconte que vers 1872, quand Allott avait 14 ans, il était responsable d’un stand de boissons et de bonbons dans un cirque ambulant.

Tandis qu’il transportait un seau rempli de bonbons rouges à la cannelle, il l’aurait accidentellement renversé dans un récipient contenant de la limonade fraîche. Les bonbons auraient commencé à se diluer et à colorer la limonade. Allott aurait vendu la limonade rose, à sa grande sur- prise, avec succès. Depuis ce moment la limonade rose serait devenue une attraction de plus dans son cirque.

 

limonade
À l’intérieur de l’usine de la limonade Fortrose : John Grant (à gauche) et George Knight (au centre) avec leurs jeunes ouvriers lorsque l’usine appartenait à James Reid, dans les années 1890 ou 1900. (Photo: groamhouse.org.uk)

 

Il n’en reste pas moins que la limonade mélangée avec des fruits frais (pastèque, fraises, framboises, grenade) n’est pas une invention américaine : elle se consomme depuis des siècles partout dans le monde. Malgré tout, le mérite de la popularisation de ce type de limonade peut être attribué au cirque. Il existe même une théorie scientifique pour expliquer que la limonade rose ait été extrêmement appréciée. Les psychologues pensent que ce n’est pas seulement l’arôme qui attire les gens, mais aussi la couleur, car le rose est une couleur apaisante.

 

limonade
Un limonadier à Alep, en Syrie dans les années 1920. (Photo: delcampe.net)

 

La limonade claire se consomme surtout en Grande-Bretagne, en Irlande, en Afrique du Sud. Mais il existe aussi une limonade marron. Dans l’Ulster, province du nord de l’Irlande, la limonade brune est obtenue par l’ajout de sucre brun. Et au Bangladesh, les limonades peuvent contenir du sel ou du jus de gingembre. Il n’y a pas de recette parfaite, c’est pourquoi la meilleure limonade est celle que l’on fait à la maison, à partir de citrons fraîchement pressés, auxquels on ajoute de l’eau plate ou gazeuse, sucrée ou non, additionnée de feuilles de menthe. En guise de conclusion, ce conseil que nous a légué l’écrivain américain Dale Carnegie (1888-1955) : “Quand la vie te donne des citrons, fais de la limonade.”

A.Z.


 

Ne soyez pas timides ... partagez votre avis!

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Ce contenu est protégé !!