« Bon pour le climat, bon pour l’estomac »: le nouveau défi des grands chefs

 

Par Olga NEDBAEVA – Crédit photo: Anis KALAI – © Copyright mangeonsbien.com


Pour son menu gastronomique « bon pour le climat », l’empreinte carbone a été calculée mais cela n’empêche pas le chef triplement étoilé Régis Marcon de s’octroyer quelques écarts au nom du « plaisir » et de l’« ouverture au monde ».

Face à l’urgence climatique, nombre de grands chefs adaptent leur cuisine et s’engagent dans des pratiques éco-responsables, tout en cherchant à sensibiliser le grand public avec des initiatives originales.

Dans le cadre somptueux du musée de l’Homme, sur fond de tour Eiffel scintillante, une centaine de convives ont ainsi pu déguster un menu « bon pour le climat, bon pour l’estomac » en marge d’une exposition sur l’alimentation.

« Le côté santé dans la cuisine doit être associé avec le côté plaisir, sinon cela devient de la restriction. C’est là qu’on intervient parce que quand c’est bon, on y revient », explique à l’AFP le chef de 63 ans, du restaurant Régis et Jacques Marcon à Saint-Bonnet-le-Froid, en Haute-Loire.

Le menu de ce dîner abonde en « clins d’oeil »: lentille verte et petit épeautre pour illustrer comment on peut se nourrir de protéines végétales, « drôles de légumes » réhabilités comme crosnes ou topinambours, de la volaille sourcée accompagnée du fameux « praliné de champignons » cher au chef, consommé de champignons secs (une manière de parler des aliments conservés, bons pour la planète).

Le dessert construit autour de plusieurs variétés de pommes crues, cuites et confites rend hommage aux « érudits qui ont récupéré plus de 150 variétés anciennes » après une tempête dans les années 1980 ayant mis à terre 30% des pommiers, souligne le chef.

 

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Régis et Jacques Marcon (Crédit photo: © Laurent MARIOTTE)

 

Et même s’il y a « ceux qui vont sursauter », Régis Marcon a inscrit au menu un parmesan de chèvre venu d’Italie, qu’il a découvert lors d’une course de ski dans les Dolomites.

« Je l’ai fait exprès. Ne restons pas non plus dans nos petits 50 km2 en disant +je ne fais que du local+. On est dans une société qui a tendance à se renfermer, il faut s’ouvrir. Il y a des produits fantastiques, citrons, piments, épices – qui viennent de très loin ».

 

– Le jardin d’abord –

Il se félicite en même temps de l’intransigeance sur les questions environnementales exprimée par la nouvelle génération des chefs, comme son fils Jacques.

« Je suis plus dans la générosité, faire plaisir à tout le monde, lui il est puriste, +on ne met pas un tel produit parce que ce n’est pas la saison+, on ne déroge pas. Il y a plusieurs cuisiniers comme ça, c’est notre bouffée d’oxygène ».

Christophe Hay, 42 ans, deux étoiles Michelin du restaurant la Maison d’à côté, à Montlivault, près du château de Chambord, fait partie de ce mouvement.

 

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Chef Christophe Hay au bord de la Loire (Crédit photo: © Julie LIMONT)

 

Cela lui a pris six mois pour apprendre à désarêter une carpe, poisson d’eau douce dénigré, qu’il a magnifiée à l’aide de truffe, d’écrevisses et de sauce au vin rouge de Cheverny, dans son plat signature la « carpe à la Chambord ».

Barbeau, gardon, sandre: il n’y au menu que des poissons de la Loire, qui nécessitent des cuissons « au degré près » dans des tiroirs chauffants, pas au-delà de 65°C pour le brochet par exemple.

« Certains clients faisaient la tête au début, aujourd’hui les gens viennent pour ça », raconte à l’AFP le chef en montrant une barque à bord de laquelle il part à la pêche avec son poissonnier.

A deux pas du restaurant, 3.000 m2 de jardins lui procurent 100% d’autonomie en légumes entre mai et octobre. Un trésor végétal qui dicte ses menus. « On travaille dans cette logique: légume, déclinaison sur ce légume et enfin ce qu’on va apporter derrière » comme viande ou poisson.

Pour un amuse-bouche topinambour-esturgeon fumé, « on a fait caraméliser les peaux du topinambour qui font la coque et derrière on a apporté de l’esturgeon » de Sologne, dont la chair n’est pas valorisée contrairement aux oeufs.

Quand à la viande, le pari pour ce fils de boucher est d’en servir « en moins grosses quantités, mais d’excellente qualité ».

Il a acheté 27 boeufs wagyu qui sont élevés en musique dans des prairies près d’Angers, nourris au lin et massés pour un persillé d’exception. Cette viande est accompagnée d’une sauce au grains de lin, un clin d’oeil à ces pratiques.


 

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