Les micro-pousses, ces maxi-condiments qui dynamitent les assiettes

Par Karine ALBERTAZZI – Crédit photo: Thierry ZOCCOLAN © 2018 AFP


Un jardin miniature en barquettes, sous une lumière de néons rose fuchsia. A Saint-Jean-en-Val, dans le centre de la France, un producteur anglais cultive des micro-pousses, condiments tendance que s’arrachent les grands chefs pour leur richesse gustative.

Contrairement aux graines germées qui se développent dans l’eau, ces plants grandissent dans du terreau. Pas longtemps toutefois: les premiers mis en vente n’ont que six à huit jours, les plus vieux moins de deux mois.

Pour s’assurer de l’évolution des arômes, Chris Kilner mâche une à une leurs minces feuilles, tel le vigneron qui veut s’assurer de la maturité du raisin avant les vendanges.

« Tout le monde connaît le goût de la roquette mais autour du jour 11, il est d’un coup plus précis, parfait et sans amertume », explique ce producteur passionné, en mastiquant cette herbe lilliputienne en forme de cœur.

Dans leur taille réduite – quelques centimètres – s’exprime tout le potentiel gustatif et nutritif de la plante. L’agastache possède un parfum de réglisse; le shiso rappelle l’anis ou le cumin selon les variétés et les grandes fleurs en étoiles bleues de la bourrache s’apparentent au goût frais et croquant du concombre.

 

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Des micro-pousses de wasabi poussent sous lumière artificelle à Saint-Jean-en-Val (France), le 22 mai 2018 (Crédit photo: Thierry Zoccolan – AFP)

 

Moutarde, wasabi, poivre, agrumes, câpres et même huître… Autant de saveurs apportées par les micro-pousses, aussi minuscules que puissantes en bouche, qui peuvent se substituer aux épices et condiments habituels. Et si certains gastronomes les écartent sur le rebord de l’assiette, elles ne sont pas là seulement « pour faire joli ».

« C’est un ingrédient à part entière, on ne peut faire sans. Un exhausteur de goût qui ramène de la finesse, de la couleur, mais aussi de l’acidité ou du sucré », souligne le chef Dorian Van Bronkhorst, à la tête de l’Atelier Yssoirien, restaurant couronné d’une étoile Michelin à Issoire, non loin de Saint-Jean-en-Val, en Auvergne.

Comme lui, quelque 70 chefs des environs, dont de nombreux étoilés, se fournissent chez Chris Kilner et sa société Radix (« racines » en latin). Cet agriculteur d’un nouveau genre cultive une cinquantaine de variétés à l’abri de la lumière naturelle – sous des lampes spécifiques – ou sous serre. Le tout sur un espace tout aussi concentré, qui ne dépasse pas les 500 mètres carrés.

 

– « Goûter sans cesse » –

« Ce sont les clients qui nous déterminent dans nos choix. Ils sont très demandeurs. Aujourd’hui, la plupart des grands chefs utilisent les micro-pousses », souligne Chris Kilner qui prévoit de déménager « dans un espace plus grand » à l’automne, pour répondre à une demande croissante.

Son secret ? Aucun intrant, seulement de l’eau et beaucoup de minutie.

 

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Le Britannique Chris Kilner pose devant ses micro-pousses à Saint-Jean-en-Val (France), le 22 mai 2018 (Crédit photo: Thierry Zoccolan – AFP)

 

« Je ne suis pas magicien. Il faut goûter sans cesse et ce sont les papilles qui vous guident », explique cet Anglais de 47 ans, un autodidacte qui travaillait dans la robotique avant de changer radicalement de vie pour s’installer en Auvergne dans l’ancienne maison de campagne de ses parents.

Cet homme élégant et flegmatique fait aujourd’hui office de précurseur sur le marché français des micro-pousses, souvent cantonné à de petites productions en milieu urbain. Les restaurateurs, qui les affectionnent depuis une dizaine d’années, n’ont souvent d’autre choix pour se fournir que de se rendre chez des grossistes proposant des plants venus des Pays-Bas, la compagnie néerlandaise Koppert Cress détenant un quasi-monopole en France.

Mais les micro-pousses de Chris Kilner ont un atout particulier, relève le chef Cyrille Zen:

« Elles ne sont pas livrées dans une sorte de coton mais vivantes dans un terreau biologique. On est sur du produit de saison, ultra-frais qu’on ne coupe qu’au moment de le mettre dans l’assiette », souligne ce chef de « La Bergerie de Sarpoil » – autre étoile au guide Michelin – à Saint-Jean-en-Val.

Il n’y a pas que les chefs qui louent « les qualités gustatives exceptionnelles » de ces modèles réduits. Vendus aussi en direct sur les marchés, ils séduisent une clientèle attirée par leurs vertus nutritives.

Selon une étude américaine de 2012, publiée dans la revue scientifique Journal of Agricultural and Food Chemistry, ces micro-végétaux contiennent de « 4 à 40 fois » plus de vitamines et antioxydants que leurs équivalents cultivés à maturité.


 

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