Ditalini, ditali & ditaloni : telles sont les appellations italiennes des pâtes « fell » !

Crédit: © Noureddine Saadi / Pinterest


Qu’ils soient en sauce bien piquante ou en soupe, la mythique « makarouna mormia », dite « jeria », les Tunisiens raffolent des pâtes de la variété « fell ». Sauf que la forme de ces pâtes n’ont rien à voir avec le jasmin sambac, appelé « fell » en Tunisie.

En effet, ces pâtes sèches prennent racine dans la région de Campanie, notamment à Gragnano — surnommée « la ville des pâtes » —  et on les appelle: ditalini.

Elles ont des origines très anciennes et appartiennent à la catégorie des pâtes très courtes à coupe droite. Leur nom dérive de l’outil homonyme « dé à coudre » utilisé pour la couture, dont elles ont également hérité la forme.

Au fil des ans, les ditalini ont donné naissance à une vaste gamme de variantes qui se différencient par la taille:

  • Ditalini : petites (l’équivalent des « fell » numéro 1, en Tunisie).
  • Ditali : moyennes (l’équivalent des « fell » numéro 2, en Tunisie).
  • Ditaloni : grandes (l’équivalent des « fell » numéro 3, en Tunisie).

 

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Les « ditali », dit « fell » numéro 2 en Tunisie. (Crédit: © mangeonsbien.com)

 

Les ditalini sont également définies par la texture de leur surface. En fait, toutes les variantes de pâtes ditalini offrent à la fois la version lisse (celle commercialisée en Tunisie) et la version côtelée (rainures), bien que ce soit seulement cette dernière qui identifie la forme originale car une couche extérieure rugueuse permet de retenir la sauce, rendant ainsi le contact avec le palais plus agréable.

Il est à signaler que plusieurs Napolitains adorent les appeler « Garibaldini », en hommage au général, homme politique et patriote italien Giuseppe Garibaldi. Ce dernier est considéré, avec Camillo Cavour, Victor-Emmanuel II et Giuseppe Mazzini, comme l’un des « pères de la patrie » italienne.

 

De Naples à Gragnano : sur les traces des « ditalini »

Au XIe siècle, les pâtes commencent à se diffuser dans la région de Campanie, essentiellement à Naples, puis, entre 1400 et 1570, à Salerne. À cette époque Salerne connaît un essor commercial et culturel grâce aux Colonna, Orsini et enfin Sanseverino. La ville voit la création de petits ateliers de production artisanale dans la Via Mercanti, la Via delle Botteghelle et le quartier Fornelle.

Cependant, la chute de Ferrante Sanseverino en 1578 a des répercussions économiques négatives sur la ville. Les petites boutiques créées entre 1578 et 1690, sont touchées par la crise de la ville et ferment progressivement.

Pendant ce temps la production de pâtes se développe aussi à Naples. À la même période, les ateliers artisanaux qui se créent à Gragnano absorbent progressivement tous des environs. Au cours de ces années, un nouveau type de production est né à Gragnano, celui des pâtes sèches, à base de gruau de blé dur moulu régional, dont les fameux « ditalini ».

Les pâtes sèches peuvent être conservées plus longtemps et sont accessibles aux populations pauvres. Les terres de Gragnano sont propices à la production grâce à leur microclimat caractéristique en vent, soleil et humidité. Au XVIIe siècle, Naples est frappé par la famine. Ce fait favorise la propagation de la pâte sèche.

Dans la première moitié du XIXe siècle, la production de pâtes augmente considérablement et se diffuse dans les villes de Naples, Portici, Torre del Greco, Torre Annunziata, Gragnano, Salerne et une partie de la côte amalfitaine, le climat de la zone côtière favorisant le séchage naturel.

La production connaît son âge d’or au XIXe siècle, où de grandes entreprises apparaissent, principalement rassemblées le long de la via Roma et de la piazza Trivione, formant, ainsi, le centre urbain de Gragnano.

 

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La via Roma et ses étendoirs dans les années 1900, à Gragnano. (Crédit: Domaine public)

 

Un fonctionnaire atteste en 1833 : « J’ai visité Gragnano, et j’ai vu avec satisfaction, que l’industrie des pâtes y prospère avec succès…», lit-on dans les « Annali Civili del Regno delle Due Sicilie, Volumi 1-3 ».

À Naples, les pâtes sont tellement chères, que le roi Humbert Ier, pour en faciliter le commerce, donna l’ordre de construire un chemin de fer reliant directement Gragnano à Naples.

Toujours, en 1833, Ferdinand II de Bourbon inaugure la première usine de pâtes industrielles napolitaine et, en 1845, il accorde aux fabricants de pâtes de Gragnano le privilège de fournir la cour napolitaine en pâtes longues et courtes, dont les ditalini, pour rehausser la fameuse soupe « Pasta e fagioli » (pâtes et haricots), la minestrone (la soupe de légumes en Italie) et d’autres soupes classiques voire même un simple bol de bouillon nature.

 

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« Pasta e fagioli » (Crédit: © closetcooking.com)

 

À la même période, Léopold de Bourbon-Siciles encourage à Salerne, où il n’y a encore que de petites boutiques de production artisanale, la création des premières usines de pâtes.

 

Les Apuliens et les Siciliens les cuisinent !  

Au cours de l’ère industrielle dans les Pouilles, en Italie, les ditalini et d’autres types de pâtes courtes se sont développés. Aujourd’hui, il s’agit de pâtes produites en masse. Elles entrent dans la composition de plusieurs plats et sont couramment utilisées par les Apuliens et les Siciliens dans les plats traditionnels.

D’ailleurs, dans la ville portuaire de Tarente, sur la côte ouest des Pouilles, on prépare les « Ditalini con cozze e fagioli » (ditalini aux moules et haricots) : des pâtes avec des moules dodues, des légumineuses terreuses et crémeuses dans un bouillon savoureux et parfumé.

 

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« Ditalini con cozze e fagioli » (Crédit: © Kitti Gould)

 

Parmi les plats siciliens à base de ditalini, citons les pâtes au fromage ricotta et les « Chi Vrocculi Arriminati » — un plat de pâtes originaire de Palerme — qui se compose généralement de chou-fleur, d’oignon, de raisins secs, d’anchois, de pignons de pin, de safran, de piment et de chapelure. Le nom « arriminati » signifie « mélangé » et fait référence au processus de mélange jusqu’à ce que le chou-fleur forme une sauce crémeuse.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, avec le Risorgimento (mot italien signifiant « résurgence » ou « renaissance »), dite « unification italienne », on enregistre une émigration notable de Siciliens à destination de la Tunisie, à tel point que ceux-ci représentent alors jusqu’à 70 % de la communauté d’origine italienne du pays et font des Italo-Tunisiens l’ethnie d’origine européenne la plus importante.

Les Tunisiens — 2e plus gros consommateurs de pâtes au monde, juste derrière les Italiens — doivent aux Siciliens installés sous nos cieux cette passion pour les ditalini, dits « fell » aux pays de la « makrouna ».

Du nord au sud de la Botte, les ditalini ont toujours été décrits comme étant des pâtes idéales pour les soupes en raison de leur petite taille qui leur permet de « tenir sur une cuillère ». Elles peuvent également être utilisées dans les salades de pâtes.

 

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Salade de ditalini (Crédit: © The Herbeevore)

 

Enfin, en Tunisie, on les aime avec du poisson, du poulet ou de la viande bovine/ovine en sauce de tomate épaisse (l’effet du double concentré de tomates) et piquante (paprika et harissa) ou en version végétarienne, dite « mormia » ou « jeria » (en soupe, également, à base de double concentré de tomates avec des légumes et des légumineuses).


 

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