« Om Ali »: ce « pudding » égyptien né d’une rivalité entre deux femmes

Crédit photo: Patrick BOURSEAUX – © Copyright mangeonsbien.com


Aucun dessert ne peut rivaliser avec la délicieuse « Om Ali », la douceur égyptienne qui prend racine dans la Basse-Egypte, le bastion des « Fallahine » (paysans). Pourtant, peu de gens connaissent l’histoire tragique de ce dessert populaire: une rivalité fatale entre deux femmes.


L’histoire d’« Om Ali », un « pudding » à base de pain, de lait et de miel, est intimement liée à celle de Chajarat al-Durr (« شجرة الدرّ », en arabe qui signifie: l’arbre des perles), appelée aussi « Chajar ad-Durr », une figure importante de la femme dans la vieille histoire de l’Egypte avec le sultan Abou Al-Fatiḥ Najm Ad-dine al-Malik « Assalih Ayyoub » ben Nacer ad-Dine Moḥammad (« أبو الفتح نجم الدين « الملك الصالح أيوب » بن ناصر الدين محمد », en arabe).

 

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L’un des plus célèbres portraits de Chajarat al-Durr publié dans le cadre de la série « Malika »: direction artistique, d’Ana Carreño Leyva; calligraphie, Soraya Syed; et les graphiques du logo, Mukhtar Sanders (Source photo: AramcoWorld)

 

En effet, Chajar ad-Durr était la femme derrière l’établissement du célèbre Sultanat mamelouk qui repousserait finalement les Mongols, expulserait les croisés européens de la Terre Sainte, et resterait la force politique la plus puissante dans le Moyen-Orient jusqu’à la domination des Ottomans.

D’ailleurs Chajar ad-Durr a fait l’objet d’un roman intitulé « Chajaratou Dorr », oeuvre du célèbre écrivain libanais, Jorge Zaydan.

 

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Le portrait de Chagarat al-Durr, tel qu’il apparait sur la couverture du livre de Jorge Zaydan: oeuvre intitulée « Jeune Orientale » de l’artiste belge, Léon Herbo (1850–1907) (Source photo: artnet)

 

Or peu d’entre vous ignorent que ce dessert égyptien rend hommage à un macabre évènement: le meurtre de la souveraine Chajar ad-Durr ! Oui, ce dessert, vient d’une histoire un peu sombre,remplie de trahisons, de meurtres et de drames ! Et il n’y a rien de plus intéressant que de remonter le temps et découvrir l’histoire de ce mets très populaire.

Très semblable au célèbre feuilleton turc historique « Muhteşem Yüzyıl » (« حريم السُلطان », en arabe qui signifie: le Harem du Sultan et traduit en français « Le Siècle magnifique ») que la plupart des pays arabes l’ont diffusé sur le petit écran. À en croire tous les récits autour de ce dessert légendaire, cette histoire a eu lieu pendant l’ère mamelouk avant la domination des Ottomans sur l’Egypte.

 

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Un autre portrait attribué à Chajar ad-Durr: oeuvre du britannique William Clarke Wontner (1857-1930), intitulée « The Turban » (Crédit photo: domaine public)

 

Il semble que dans l’histoire, les intrigues étaient toutes très similaires. Les hiérarchies à l’intérieur de l’entourage d’un sultan et la lutte de pouvoir en leur sein en particulier dans les Harems étaient tous des récits similaires; et c’est le cas pour les causes qui ont donné naissance au gâteau Om Ali.

Aux origines turques, jolie et intelligente Chajar ad-Durr a été achetée comme une esclave et servante par « Assalih Ayyoub », avant de devenir Sultan. Puis, quand il devint Sultan en 1240, elle l’accompagna en Egypte et eurent leur premier fils Khalil (al-Malik al-Mansour). Désormais elle devint « Om Khalil Chajar ad-Durr ». Peu de temps après cette naissance, le sultan l’a épousée et a fait d’elle une Sultane.

En 1249, après avoir gouverné l’Egypte pendant près de 10 ans, le sultan mourut, mais l’Egypte était attaquée par les croisés, et Chajar ad-Durr décida donc de dissimuler sa mort. Avec le commandant de toute l’armée égyptienne, ils ont secrètement enterré le Sultan, sans déclarer sa mort. Elle déclara que le sultan était très malade et ne pouvait recevoir aucun visiteur, tandis que les domestiques continuaient à préparer ses repas et à les apporter à sa tente privée. Avant sa mort, le Sultan n’avait pas désigné celui qui devait lui succéder, mais il laissa derrière lui un grand nombre de documents vierges signés, que Chajar ad-Durr et le chef de l’armée,Tûrân Châh, utilisaient comme communications, décrets et ordres du sultanat pour jurer le serment de loyauté des mamelouks et des soldats.

 

La nouvelle de la mort du sultan s’est répandue chez les croisés qui ont décidé de marcher au Caire, puis à Al Mansourah, lieu de résidence de Chajar ad-Durr. Avec l’aide du plan de bataille du Sultan« Al-Malik az-Zâhir Rukn ad-Dîn Baybars al-Bunduqdari, alias Baybars »,  auquel elle a donné son accord, l’armée égyptienne et les citadins, ont réussi à piéger les croisés, à tuer le frère de Louis IX (roi de France), Robert Ier d’Artois et à anéantir la force des croisés. Plus tard, et en raison de l’arrivée du premier fils du sultan défunt Tûrân Châh en Egypte, Chajar ad-Durr a annoncé la mort du Sultan. Dans la foulée, ensemble, Chajar ad-Durr et son chef de l’armée ont complètement vaincu les forces croisées.

 

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Baybars en pleine bataille (Source photo: Ancient Origins – Domaine public)

 

Avec cette victoire, Chajar ad-Durr a gagné le pouvoir parmi les Mamelouks qui l’ont soutenue pour rester puissante en assassinant Tûrân Châh, le dernier Sultan Ayyoubide. Par la suite, les mamelouks et les émirs décidèrent d’annoncer Chajar ad-Durr comme nouveau monarque devenant ainsi la première reine dans l’Islam, avec Al-Mu`izz `Izz ad-Dîn ‘Aybak (« المعز عز الدين أيبك », en arabe qui signifie:« l’assurance de la gloire de la religion ‘Prince de lune’ »)comme commandant en chef, A ce à quoi elle consentit. Elle a pris le nom royal « Om Khalil Îsmat ad-Dounia weddine al-Moustaâssamia Chajar ad-Durr» (« أم خليل عصمة الدنيا والدين « المستعصمية » شجر الدرّ », en arabe qui signifie: Mère de Khalil protecteur du pouvoir et de la foi « La triomphatrice » Chajar ad-Durr ), et le titre de « Malikat al-Muslimin » (Reine des Musulmans) et « Walidat al-Malik al-Mansur Khalil Emir al-Mo’aminin « (Mère d’al-Malik al-Mansur Khalil Emir des fidèles), devenant ainsi la première reine de l’Islam.

Elle a eu des pièces de monnaie frappées avec ses titres: « dinar Chajar ad-Durr ». Et elle a signé les décrets avec le nom « Walidat Khalil » (la mère de Khalil). Elle a utilisé ces titres, y compris les noms de son fils et de son défunt mari, pour gagner le respect et la légitimité de son règne en tant qu’héritière du Sultanat.

 

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Dinar Chajar ad-Durr (Crédit photo: Stanley Lane Poole – British museum collection)

 

Cependant, pendant l’ère ayyoubide, la coutume voulait que la légitimité du sultan ne fût acquise que par la reconnaissance du calife abbasside, Al-Musta’sim, et il refusa de la reconnaître comme une nouvelle sultane. Elle a donc épousé Al-Mu`izz `Izz ad-Dîn ‘Aybak, faisant de lui le Sultan au pouvoir. Elle voulait rester au pouvoir à tout prix. Elle cacha les affaires du sultane Aybak et l’a empêché de voir son autre femme insistant sur le fait qu’il devrait divorcer. La dispute et les soupçons animaient le quotidien du couple. Aybak, lui aussi , cherchait de plus en plus la suprématie et la sécurité. Il voulait former une alliance avec un puissant Amir, qui pourrait l’aider contre les menaces des Mamelouks et contre la ferme volonté de sa propre femme. Il décida donc d’épouser la fille de Badr ad-Din Lo’alo’a, l’émir ayyoubide d’al-Mousil. La nouvelle parvint à Chajar ad-Durr qui, à son tour, tua Aybak et affirma que c’était une mort subite pendant la nuit. Après des enquêtes et des témoignages de ses servantes, il a été prouvé que c’est elle qui ait tué le sultan.

 

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Une statuette anonyme attribuée à Chajar ed-Durr (Source photo: Tour Egypt)

 

Alors, âgé de 15 ans, le fils d’Aybak, Al-Mansur Nur ad-Dîn Ali ben Aybak (« المنصور نور الدين علي بن أيبك », en arabe) accéda au trône et devint le nouveau sultan. De son côté, sa mère, Om Ali ordonna à ses servantes de tuer Chajar ad-Durr pour se venger d’avoir volé son mari et l’avoir tué.  Cette  dernière fût battue à mort au Hammam par les servantes à l’aide des « Kabkabs » (des chopines en bois portées dans les salle humides du bain maure chez les Ottomans).

 

 

Pour célébrer la mort de sa rivale, Om Ali ordonna au cuisinier de créer un dessert nouveau et délicieux et de le distribuer. Pis encore, Om Ali offrit au peuple une pièce d’or « Chajar ad-Durr » placée dans chaque bol de dessert. Tous les gens étaient heureux avec le délicieux dessert, la pièce d’or et le règne de leur nouveau sultan et de sa mère Om Ali. Ils scandèrent son nom en les remerciant et après la mort d’Om Ali, le dessert fût baptisé en son nom.

 

 

Depuis, ‘’Om Ali’’ est devenu le dessert des célébrations en Egypte. Une douceur servie lors de grands événements ou durant le mois du Ramadan ou pour célébrer les fiançailles, les noces et les nouveau-nés.  Aujourd’hui, au-delà des frontières de l’Egypte, « Om Ali » est l’une des pâtisseries les plus connues au Moyen-Orient, mais peu savent ce que ce dessert célèbre, la mort de Chajar ad-Durr !

 

D’autres légendes: de la paysanne « Om Ali » à l’infirmière irlandaise « O’Malley »

Une autre légende semble un peu plus crédible. Elle parle d’un sultan, qui,était dans la vallée du Nil en train de chasser avec des compagnons. Après de longues heures de chasse, il a un petit creux. Affamé, il s’arrêta dans un petit village pour demander de la nourriture. Les villageois demandèrent à une certaine ‘’Om Ali’’ de préparer quelque chose pour lui, car celle-ci elle était connue pour être la meilleure cuisinière du village. Elle a préparé ce dessert  avec ce qu’elle avait entre les mains (lait, pain et noix) et le sultan l’a tellement aimé, qu’il revint plusieurs fois à cette bourgade pour le déguster de nouveau des mains de cette ménagère.

 

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Un portrait du khedive d’Égypte, Ismaïl Pacha (photo argentique), prise entre 1860 et 1890 (Source photo: La Librairie du Congrès americain – Domaine public)

 

La troisième légende n’a rien à voir avec une femme qui porte le nom d’’’Om Ali’’. On évoque plutôt une infirmière irlandaise qui porta le nom de famille O’Malley. Elle était assignée en Egypte. Son charme attira l’attention du Khedive Ismail Pacha qui régna sur l’Égypte du 18 janvier 1863 au 8 août 1879. Devenue sa maîtresse, elle lui prépara occasionnellement un dessert spécialement créé pour lui. Or comme O’Malley sonne comme Om Ali, son gâteau fût baptisé: mère d’Ali !

 

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Le khedive de l’Égypte en 1875 (Crédit photo: Pjetër Marubi (1834–1905) – Marubi National Museum of Photography, Shkodër – Domaine public)

 

Dans chaque scénario, le dessert lui-même est quelque chose qui peut être facilement faite avec ce que vous avez dans votre cuisine. Beaucoup de recettes appellent à la pâte  feuilletée, mais rien ne vous empêche d’utiliser  du pain ordinaire, voire même des croissants déchiquetés de la veille. C’est assez facile à faire, pour un dessert qui coûte trois fois rien.


Recette revisitée d’ « Om Ali »

… Par Patrick BOURSEAUX

 

Patrick BOURSEAUX

 


Catégorie: dessert, gâteau traditionnel égyptien

Temps de préparation: 10’

Temps de cuisson: 20’


Ingrédients

Pour 6 personnes

  • 700 g de viennoiseries (croissants pur beurre, pas frais !)

Astuce: prenez soit des croissants pur beurre, soit 2 à 3 pains au chocolat, de préférence pas trop frais (des viennoiseries datant de 2 à 3 jours).

  • 100 g de sucre semoule
  • 250 ml crème fraîche liquide
  • 150 g de crème fraîche épaisse
  • 100 g de fruits secs

Préparation

ÉTAPE PAR ÉTAPE

    • Déchiqueter les viennoiseries dans un bol .
    • Mélanger avec le sucre et les fruits secs.
    • Placer dans un petit plat à gratin assez haut.
    • Verser la crème liquide.
    • Étaler la crème épaisse sur la surface.
    • Enfourner pendant 20’ à 200ºC en chaleur tournante jusqu’à ce que la surface ait une couleur caramel.

 

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« Om Ali »: le célèbre pudding égyptien (Crédit photo: Patrick BOURSEAUX– © Copyright mangeonsbien.com)

 

  • Servir chaud.

 

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Un morceau d’ « Om Ali »: le célèbre pudding égyptien accompagné d’une boule de glace à la vanille (Crédit photo: Patrick BOURSEAUX– © Copyright mangeonsbien.com)

 

Bon appétit !


 

5 Commentaires sur “« Om Ali »: ce « pudding » égyptien né d’une rivalité entre deux femmes

  1. Mohamed Rached Khayati says:

    Excellent article. Une immersion dans l’Histoire tout en « douceur », même si c’est, dans certains pans, sur fond macabre. Reste, maintenant, la dégustation du dessert pour mieux savourer l’histoire.

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